Une visite approfondie au musée Unterlinden : exploration de l'art alsacien

4,2 / 5 (17 votes) Publié le 17 Jan 2024 Lecture 7 minutes
Une visite approfondie au musée Unterlinden : exploration de l_art alsacien

L'Alsace est une région riche en histoire, en culture et en patrimoine. Son art reflète son identité singulière, marquée par les influences germaniques, romanes et françaises, ainsi que par les événements historiques qui ont façonné son destin. Pour découvrir l'art alsacien dans toute sa diversité, il faut se rendre au musée Unterlinden, situé à Colmar, la capitale des vins d'Alsace. Ce musée, installé dans un ancien couvent de Dominicaines fondé en 1252, présente une remarquable collection de sculptures et de peintures de la fin du Moyen Âge et de la Renaissance, ainsi que des objets d'archéologie, d'orfèvrerie, d'arts décoratifs et d'art moderne. Il renferme surtout l'un des chefs-d'œuvre de l'art occidental : le retable d'Issenheim, impressionnant polyptyque sculpté par Nicolas de Haguenau vers 1510 et peint par Mathias Grünewald de 1512 à 1516. Ce chef-d'œuvre, considéré comme une pièce majeure de l'histoire mondiale de l'art, est le point de départ d'une visite approfondie du musée Unterlinden, qui vous fera explorer l'art alsacien sous tous ses aspects.

Le retable d'Issenheim : un chef-d'œuvre de l'art religieux

Le retable d'Issenheim est sans doute l'œuvre la plus célèbre et la plus émouvante du musée Unterlinden. Il provient de l'ancien couvent des Antonins d'Issenheim, situé à une trentaine de kilomètres de Colmar, où il ornait le maître-autel de la chapelle. Ce couvent était spécialisé dans le soin des malades atteints du mal des ardents, une maladie causée par l'ergot de seigle, qui provoquait des gangrènes, des hallucinations et des convulsions. Le retable avait pour fonction de réconforter les malades et de les inciter à la prière et à la dévotion.

Le retable d'Issenheim est composé de plusieurs panneaux peints et sculptés, qui se déploient selon un système complexe de volets mobiles. Il présente ainsi plusieurs scènes religieuses, qui illustrent la vie du Christ, de la Vierge et de saint Antoine, le patron des Antonins. Le retable se décline en trois états principaux : fermé, ouvert et grand ouvert.

L'état fermé montre la Crucifixion du Christ, entouré de la Vierge, de saint Jean et de Marie-Madeleine. Le Christ est représenté dans toute sa souffrance, avec un corps décharné, couvert de plaies et de sang. Son visage exprime l'agonie et l'abandon. Cette représentation réaliste et dramatique avait pour but de susciter la compassion et l'identification des malades, qui pouvaient se reconnaître dans les stigmates du Christ. Au-dessus de la croix, on voit un pélican qui se perce le flanc pour nourrir ses petits de son sang, symbole du sacrifice du Christ pour l'humanité. Sur les côtés, on voit deux saints protecteurs de l'Alsace : saint Sébastien, transpercé de flèches, et saint Antoine, portant la clochette et le bâton des Antonins. Ces deux saints étaient invoqués contre le mal des ardents et les épidémies.

L'état ouvert montre la Nativité et l'Annonciation, sur les volets intérieurs, et les saints protecteurs du couvent, sur les volets extérieurs. La Nativité est traitée de manière originale, avec une scène nocturne éclairée par un rayon divin qui descend du ciel. La Vierge, vêtue de bleu, tient l'Enfant Jésus dans ses bras, tandis que Joseph, vêtu de rouge, sommeille à côté d'elle. L'Enfant Jésus est représenté nu, sans langes, pour montrer sa vulnérabilité et son humanité. Il est entouré d'un bœuf et d'un âne, qui réchauffent l'atmosphère de leur souffle. Au fond, on voit les bergers qui viennent adorer l'Enfant, guidés par l'ange. L'Annonciation montre l'archange Gabriel qui annonce à Marie qu'elle sera la mère du Sauveur. Marie est représentée dans une chambre, avec un livre ouvert sur ses genoux, symbole de sa piété et de sa sagesse. Gabriel lui tend un lys blanc, symbole de sa pureté et de sa virginité. Sur les volets extérieurs, on voit les saints protecteurs du couvent : saint Augustin, saint Jérôme, saint Ambroise et saint Grégoire, les quatre Pères de l'Église latine, qui portent les attributs de leur fonction ecclésiastique.

L'état grand ouvert montre la Résurrection du Christ, au centre, et les tentations de saint Antoine, sur les côtés. La Résurrection est représentée comme une explosion de lumière, qui contraste avec la noirceur du tombeau. Le Christ, vêtu d'un linceul blanc, sort triomphalement de son sépulcre, en brandissant un étendard. Il est entouré de quatre anges, qui jouent de la trompette, du luth, de la harpe et du psaltérion. Au pied du tombeau, on voit les soldats romains, qui sont terrassés par l'éclat du miracle. Les tentations de saint Antoine sont inspirées par la vie du saint, qui vécut en ermite dans le désert d'Égypte au IVe siècle. Il fut assailli par de nombreuses tentations, sous la forme de visions diaboliques et de séductions charnelles. Ces scènes sont peintes avec une grande imagination et une grande liberté, qui témoignent du génie de Grünewald. On y voit des monstres hybrides, des animaux fantastiques, des paysages étranges, des personnages grotesques, qui composent un univers cauchemardesque et fascinant. Ces scènes avaient pour but de montrer les épreuves que devait affronter le saint, mais aussi de divertir et de réjouir les malades, qui pouvaient y trouver des motifs de rire et d'admiration.

Le retable d'Issenheim est donc une œuvre exceptionnelle, qui allie la beauté, la spiritualité et la créativité. Il est le témoignage d'une époque, d'une région et d'une foi, qui ont marqué l'histoire de l'art alsacien.

Les collections du musée Unterlinden : un panorama de l'art alsacien

Le musée Unterlinden ne se limite pas au retable d'Issenheim. Il propose également de découvrir d'autres aspects de l'art alsacien, à travers ses collections variées, qui couvrent près de 7000 ans d'histoire. Le musée est organisé en plusieurs sections, qui correspondent aux différentes périodes et aux différents domaines de l'art.

La section archéologie

La section archéologie présente des objets issus de la vie domestique ou de contextes funéraires, qui témoignent de la présence humaine en Alsace depuis la préhistoire jusqu'au Moyen Âge. On y trouve notamment des outils en silex, des poteries, des bijoux, des armes, des monnaies, des sarcophages, des stèles funéraires, qui illustrent les modes de vie, les croyances et les échanges des populations qui ont habité la région.

La section Moyen Âge et Renaissance

La section Moyen Âge et Renaissance présente une collection de sculptures et de peintures de la fin du Moyen Âge et de la Renaissance, qui témoignent du rayonnement artistique de l'Alsace à cette époque. On y trouve notamment des œuvres de Martin Schongauer, le plus célèbre peintre et graveur alsacien du XVe siècle, qui se distingua par son sens du détail, sa finesse du trait et sa maîtrise de la perspective. On y trouve aussi des œuvres de Hans Holbein le Jeune, le plus célèbre peintre et portraitiste allemand du XVIe siècle, qui travailla à Bâle, à Londres et à Colmar, où il réalisa le portrait de l'humaniste Érasme. On y trouve enfin des œuvres de Hans Baldung Grien, le plus célèbre peintre et dessinateur allemand du début du XVIe siècle, qui fut l'élève de Dürer et qui se fit remarquer par ses sujets fantastiques et érotiques.

La section orfèvrerie

La section orfèvrerie présente une collection de pièces d'orfèvrerie religieuse et civile, qui illustrent le savoir-faire et la richesse des orfèvres alsaciens du Moyen Âge et de la Renaissance. On y trouve notamment des calices, des ciboires, des reliquaires, des croix, des ostensoirs, des hanaps, des coupes, des salières, des bijoux, qui sont ornés de pierres précieuses, d'émaux, de filigranes, de ciselures, de gravures. Ces pièces témoignent de la dévotion, du prestige et du goût des commanditaires, qui étaient des ecclésiastiques, des nobles ou des bourgeois.

La section arts décoratifs

La section arts décoratifs présente une collection de meubles, de céramiques, de textiles, de verreries, de jouets, qui témoignent de la vie quotidienne et de la culture populaire en Alsace du XVIIe au XXe siècle. On y trouve notamment des armoires, des buffets, des commodes, des tables, des chaises, des fauteuils, des lits, des berceaux, qui sont décorés de sculptures, de marqueteries, de peintures. On y trouve aussi des poteries, des faïences, des porcelaines, des étoffes, des dentelles, des broderies, des verres, des bouteilles, des poupées, des automates, qui sont marqués par les influences régionales, nationales et internationales.

La section art moderne

La section art moderne présente une collection de peintures, de sculptures, de dessins, de photographies, qui témoignent de l'évolution de l'art en Alsace et en Europe du XIXe au XXIe siècle. On y trouve notamment des œuvres de Gustave Doré, le plus célèbre illustrateur français du XIXe siècle, qui fut aussi peintre, sculpteur et caricaturiste. On y trouve aussi des œuvres de Camille Claudel, la plus célèbre sculptrice française du XIXe siècle, qui fut l'élève et la maîtresse de Rodin. On y trouve enfin des œuvres de Pablo Picasso, le plus célèbre peintre et sculpteur espagnol du XXe siècle, qui fut le fondateur du cubisme et l'un des artistes les plus influents de l'histoire de l'art.

Le musée Unterlinden est donc un lieu incontournable pour les amateurs d'art, qui peuvent y admirer des œuvres de toutes les époques, de tous les styles et de tous les domaines. Il est aussi un lieu de mémoire, qui raconte l'histoire de l'Alsace, sa diversité, son identité et sa créativité.

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